lundi, février 05, 2007

Délices jurassiens

Le Jura est une région d'initiés qui vous charme subtilement. A chaque escapade entre Arbois et Château-Châlon, l'amateur se découvre transporté dans un monde idéal de vignerons réjouis, de paysage encore préservés, de cépages curieux, de saveurs étranges et de cuisine roborative. Les vins y sont bus, s'exportent de mieux en mieux, se vendent bien sans que l'acheteur de passage soit jamais dépourvu.

Et il y a ces moments jubilatoires, ces instants inattendus qui vous transportent, comme cette journée passée avec Stéphane Tissot en joyeuse compagnie de vignerons bourguignons.
Fin de matinée, après une très belle dégustation de la gamme de ses vins précis, naturels et gourmands, auquel un soupçon d'émotion fait à mon avis encore défaut pour qu'ils rejoignent la toute petite élite de la production régionale, le très volubile Stéphane nous emmène chercher le déjeuner. Nous descendons une petite route sur quelques kilomètres et nous arrêtons entre deux hangars borgnes non loin d'un camion.
Et là, surprise : un bouilleur de cru distille les râfles pour fabriquer le marc. L'homme surveille ses almabics et chaudrons avec flegme. En soit, en croiser un est déjà un évènement, puisqu'ils disparaissent peu à peu depuis que la loi française a stipulé en 1953 que le droit de distiller ne pouvait plus se transmettre par héritage.

Mais le vrai étonnement, c'est de grimper avec Stéphane sur l'estrade où repose les chaudrons, d'en soulever le couvercle, et d'être saisi de plaisir à la vue de truites à la crème et au savagnin cuisant lentement à la vapeur des râfles en cours de distillation. Instant de pur bonheur, comme en témoigne l'expression épanouie du vibrionnant Monsieur Tissot, qui s'apprête à nous régaler.
Dans le chaudron voisin, des saucisses de Morteau arrivent lentement à point, baignées d'un fumet délicieux....
C'est toute une qualité de vie qui s'affirme là chez les jurassiens.
Et quand on passe à table, après avoir rapporté chez les Tissot les victuailles toutes parfumées, que le père et la femme de Stéphane nous rejoignent, et que Arbois blanc 1973, Trousseau 1983 et Vin Jaune 1982 coulent dans les verres, en ce jour de crachin sous un ciel bas et venteux annonçant la neige, on se dit qu'on est drôlement heureux et chanceux, tout simplement.

Merci Stéphane !