dimanche, juin 08, 2008

Vertiges mosellans (partie 1)

Deux journées en Allemagne, dans le fantastique vignoble de la Moselle, m'ont permis de faire de belles rencontres et d'apprécier le très belle qualité des vins de Riesling du millésime 2007.


Une halte à Leiwen chez Nick Kowerich, jeune vigneron passionné qui se devoue corps et âme à 6 hectares, secondé avec charme et efficacité par son épouse, s'est révélé un excellent moyen d'appréhender les particularités du travail de la vigne en Moselle.


(ci-contre, les époux Kowerich au pied de leur vertigineux vignoble de Laurentiuslay, et Nick aux commandes du treuil. La vue du sommet sur le village de Leiwen, et la descente, frissons garantis..).


Pour accéder à certaines de leurs 30 parcelles, les Kowerich, comme la majorité de leurs voisins propriétaires sur les coteaux les plus abrupts (dont les pentes avoisinent parfois 60 degrés), utilisent désormais des treuils, sortes de motorails qui permettent de s'élever vers des parcelles autrement quasiment inaccessibles.



Le vignoble de laurentiuslay, exposé sud/sud-ouest et dominant le villagede Leiwen (jumelé avec le Mesnil-sur-Oger, les 1500 habitants, en majorité vignerons, connaissent bien nos vins de Champagne...), est un des plus prisés de la Mittel-Mosel, partie centrale située entre Trèves et Piersport.
Son exposition favorise des températures assez élevées, et une maturation idéale des raisins. Il n'est donc pas rare d'y produire des vins issus de raisins atteints par le botrytis, les fameux Auslese, Beerenauslese et Trockenbeerenauslese, qui comptent parmi les grands vins liquoreux de la planète.

Un Riesling Trockenbeerenauslese (dites TBA) Leiwener Laurentiuslay 2005 produit à hauteur de 100 litres seulement par les Kowerich (350gr de sucre, 6,5% d'alcool seulement...) s'est révélé proprement magique par son intensité de saveurs et finesse onctueuse, soutenue par une indestructible acidité. Et mes vins secs ou demi-secs (Kabinett, Spätlese...ne sont pas en reste).
Les sols d'ardoise bleues et grises, traversés de quartzite, sont particulièrement durs et apportent aux vins d'inimitables arômes de fumé et de silex. La taille en échalas alterne avec le palissage, et de très vieilles vignes non-greffées subsistent encore dans les coteaux. Du sommet, la vue est exceptionnelle, et le regard se perd dans les méandres du fleuve. On se surprend à songer à l'harassant labeur subi depuis des générations par les hommes et les femmes qui ont défrichés ces vertigineux coteaux, pris soin de ces vignes pour le clergé local entretenant les murets de pierre, bien avant que les treuils, arrivés à la fin des années 80, ne viennent un peu soulager leur tâche....

Il faut redécouvrir ces vins, digestes et désaltérants, dont tout le monde ou presque a oublié qu'à la fin du XIXème siècle ceux provenant des meilleurs coteaux, tel le Laurentiuslay, se vendaient dans toute l'Europe plus chers que les plus grands Bordeaux....A méditer !

lundi, mai 26, 2008

Bagarre culinaire autour d'une émulsion

Il y a quelque temps sur un forum de discussion, le collectionneur et amateur de vins anciens François Audouze, qui passe une partie de sa vie dans les grands restaurants, mentionnait un malaise subi par son épouse au sortir d'un dîner chez El Bulli, restaurant mythique de Ferran Adria, considéré par certains comme le graal culinaire actuel.

Une dépêche de l'AFP de la semaine dernière apporte un regard neuf sur cette mésaventure :

"La gastronomie moléculaire du célébrissime chef catalan Ferran Adria nuirait à la santé, a avancé mercredi dans un entretien son rival catalan, Santi Santamaria, dont le restaurant El Can Fabes est crédité de trois étoiles Michelin.
Santamaria critique sans ménagement les alchimies de Ferran Adrià, dont l'établissement El Bulli, trois étoiles au Michelin, a été consacré en avril meilleur restaurant au monde pour la troisième année de suite par la revue britannique Restaurant Magazine.
«Pouvons-nous nous sentir fiers d'une cuisine, moléculaire ou techno-émotionnelle, avalisée par Ferran Adrià et sa cour d'adeptes, qui remplit les assiettes de gélifiants et d'émulsifiants de laboratoire?», s'interroge le chef catalan dans le journal La Vanguardia.
«Nous sommes face à un problème de santé publique», assène Santi Santamaria qui s'en prend particulièrement à l'utilisation par Ferran Adrià et d'autres chefs de la metilcellulose, gélifiant d'origine végétale.
«Ingérer plus de six grammes de metilcellulose peut nuire à la santé. Cette substance est déconseillée aux enfants de moins de six ans. Les clients des restaurants devraient pouvoir connaître la composition exacte des plats qu'on leur sert», ajoute-t-il.
Santamaria, fils de paysans et adepte des produits du terroir, ne se prive pas d'évoquer son «divorce conceptuel et éthique» avec Ferran Adrià, pour qui il assure avoir néanmoins «un respect énorme»."


Cette bagarre culinaire entre étoilés qui risque de laisser indifférent le consommateur lambda. Mais en cette période de généralisation dans le monde gastronomique de l'usage de produits restés longtemps étrangers à nos assiettes, il faut peut-être s'interroger sur la digestibilité (mot fort laid mais combien essentiel....) de ces innovations qui épatent tant. Un peu comme certains vins, conçus pour bluffer par leur concentration et leur richesse, qui se révèlent impossibles à boire en pratique ou laissent de désagréables sensations au réveil....

jeudi, janvier 17, 2008

Pesticides


PESTICIDES

Révelations sur un Scandale français


La France est le premier utilisateur européen de pesticides, et le 3ème dans le monde après les Etats-Unis et le Brésil. En 2004, 76105 tonnes de pesticides ont été achetés en France.


Publié aux Editions Fayard, ce livre passionnant sur un sujet grave est le fruit d'une longue enquête de Fabrice Nicolino, journaliste, et de François Veillerette, président du Mouvement pour les droits et le respect des générations futures (MDRGF).


Achetez ce livre. Sa lecture est un devoir de citoyen responsable et une indispensable prise de conscience, pour comprendre l'intoxication de l'agriculture, les conséquences sanitaires effarantes et le mensonge, si répandu, que constitue l'agriculture dite "raisonnée".


Evidemment, il y a plus distrayant que de s'informer du Gaucho et du Régent tueurs d'abeilles, des dioxines responsables de l'augmentation des cancers, des pesticides autorisés pendant des années par des pouvoirs publics irresponsables ou pire, coupables de collusion avec la toute-puissante industrie phytosanitaires (et phytopharmaceutique)....

Le récent scandale concernant l'emploi de pesticides dans les bananeraies de Guadeloupe (1/6 des terres de l'île sont contaminées pour des centaines d'années, l'explosion du nombre de cancers de prostate est effrayant sur la population locale) n'est qu'un des nombreux exemples, froidement analysé dans l'ouvrage.


Dans le petit monde du vin, une grande majorité de vignerons continuent, par routine et dans un climat de désinformation ambiante, à se donner bonne conscience avec le lénifiant discours sur l'emploi de produits homologués par l"agriculture raisonnée" qui valide l'emploi de produits chimiques. Ce n'est pas un hasard si régulièrement, les meilleurs vignerons de France et d'Europe, que nous soutenons, se tournent vers la production en biologie ou en biodynamie pour sortir de l'impasse actuelle.


lien pour aller plus loin : http://www.mdrgf.org/

association loi 1901 non subventionnée qui effectue un formidable travail d'information et de lutte anti-presticides et OGM, que nous vous invitons à soutenir.



mercredi, décembre 26, 2007

les vins de l'année 2007

L'année s'achève, et je sacrifie à l'exercice rétrospectif d'un bref listing des meilleures bouteilles de l'année, parmi les quelques milliers de vins dégustés en 12 mois :

-meilleur vin rouge : Musigny 2005 domaine Mugnier
Dégusté avec un ami anglais au domaine, ce vin a l'évidence des plus grands et ma première réaction fût : "this wine is too big for my mouth". Je ne suis certainement pas le premier ni le dernier à m'extasier devant ce vin. Je souhaite juste pouvoir le faire aussi dans 10 ans, dans 20 ans, dans 30 ans, dans 40 ans, dans 50 ans et plus...

-meilleur vin blanc : Chevalier-Montrachet 2006 Domaine Leflaive (encore en cuves).
A ce niveau de perfection, on reste sans voix et on espère que les heureux possesseurs de ce vin sauront en mettre en cave et l'attendre au moins 10 ans...personnellement, j'en mettrai au moins une ou deux en cave pour mon fils, né en 2006....

-meilleur vin de Bordeaux : Pauillac Château Mouton-Rotschild 1996.
Une essence de Cabernet-Sauvignon, un chef d'oeuvre du Médoc. Parti pour 40 à 50 ans d'évolution.

-meilleur vin de Bourgogne : Chambertin Clos de Bèze 1995 Domaine Rousseau
Grand vin immature mais éclatant, irradiant l'énergie et la vigueur d'un des plus grand terroir du monde.

-meilleur vin de la vallée du Rhône : Hermitage blanc 2003 Jean-Louis Chave
Année atypique, vin parfois hors normes : oubliez le niveau d'alcool, oubliez l'acidité basse : ce vin monumental possède un potentiel extraordinaire. Les Chave eux-mêmes n'en reviennent pas.

-meilleur italien : Brunello di Montalcino Riserva Soldera Case Basse 2001
ou la transposition de la Romanée-St-Vivant ou des Amoureuses hors de Bourgogne. La finesse extrême du grand Sangiovese traditionnel, élévé 6 ans en vieux foudres. Vin unique, hors des modes, essentiel et intemporel.

-meilleur vin du Nouveau-Monde : Pinot Noir Giaconda Australie 2001
Une fraîcheur de fruit exceptionnelle, un naturel d'expression et un étonnante pureté de saveurs. Ce vin de la Nouvelle-Galles du Sud s'approche en qualité des grands de Bourgogne.

-meilleur vin liquoreux : Jurançon cuvée Marie-Katalin domaine de Souch 1996
le plus pur arôme de truffe et de sucre d'orge, un vin incroyable soutenu par une acidité électrique. Magique. C'était la dernière bouteille de Madame Hégoburu dans ce millésime, quel plaisir de la partager avec elle....

-meilleur champagne : Krug Clos du Mesnil 1981
Un enchantement des sens, une bouteille magique et introuvable. Commeun rêve, un instant où le temps se suspend.

-meilleur vin du Sud : Vin de pays des Côtes Catalanes blanc Le Soula 2006
La famille Gauby reste à la pointe du renouveau qualitatif du Roussillon. Merveilleux blanc de grand caractère.

-meilleur vin à petit prix : Saumur-Champigny 2005 Château du Hureau
9,00 € chez un caviste. Un rouge friand, désaltérant, complet, sans la moindre touche de bois, et avec la maturité de fruit des grands millésimes. Un régal absolu.

-meilleur(s) vieux millésime(s) : Entre un Barolo Rocche dei Manzoni 1961, un Pomerol Château l'Evangile 1955 et un Musigny 1937 de Mugnier, impossible de choisir car il faut s'incliner devant le génie des anciens magnifié par la patine du temps.

-plus belle découverte : les Barolo et Barbaresco de Luca Roagna, un jeune prodige du Piémont qui réussit des cuvées plus élégantes et parfumées que bien des Bourgogne. A découvrir d'urgence en 2008.

-plus grosse déception : Krug Brut Grande cuvée
Un vin devenu un produit, au marketing efficace, mais qui a perdu son âme. Quand on a eu comme moi la chance de déguster cette cuvée issue des années 60, 70 et 80 à différents stades de son évolution, on perçoit le formatage et la banalisation du goût de ce vin. L'augmentation des volumes est peut-être en cause....

Sur le lien ci-dessous :

http://www.oenotropie.com/fr/unArticle.php?articleID=5

vous trouverez un rapport complet sur une dégustation verticale du Gevrey-Chambertin 1er cru Clos Saint-Jacques du domaine Rousseau, évoqué dans un précedent post.

dimanche, décembre 02, 2007

Rencontres franco-piemontaises




Quand un aréopage de bourguignons et d'amoureux du Piémont se déplace en Italie pour rencontrer et disserter avec les producteurs locaux, cela donne des échanges fructueux et très conviviaux (ci-dessus, le journaliste Bernard Burtschy, Madame Laurence Mortet, du domaine Mortet à Gevrey-Chambertin, et au fond l'expert en vins Laurent Vialette).


Le restaurant La Ciau del Tornavento à Treiso, lieu de pélerinage indispensable et fer de lance d'une des plus formidables cuisines du monde, servait de cadre à ces rencontres bacchiques la semaine dernière.
Dans un atmosphère électrisée par la magique truffe blanche d'Alba (ci-dessus, l'extraordinaire préparation d'oeufs cocotte à la truffe blanche, servie dans son coffret à l'intérieur duquel le riz sublime les arômes), bourguignons et piémontais ont jeté les bases d'une association qui souhaite promouvoir les nombreuses affinités entre Bourgogne et Barolo/Barbaresco.
Mono-cépages (pinot noir, nebbiolo) tout deux très capricieux et exigeants, extrême complexité géologique, morcellement du parcellaire et facettes infinies de la personnalité des crus, petits domaines et attachement paysan des vignerons à leurs terres, distance équivalente des vignobles aux Alpes, qu'on aperçoit par temps clair, rareté des meilleures bouteilles, faibles intensités de couleur, ressemblances aromatiques des vins au vieillissement au point qu'après 15 ans les meilleurs dégustateurs peuvent s'y perdre....on peut ainsi multiplier les points communs entre les vins de ces deux régions majeures, qui produisent aujourd'hui certains des vins les plus excitants de la planète.
Si pour nombre de grands vignerons piémontais la Bourgogne demeure une référence insurmontable qui a influencé leur travail, peu de bourguignons ont encore pris conscience de cette parenté troublante et de l'incroyable qualité des meilleurs vins de Barolo et Barbaresco, qu'ils ne dégustent malheureusement presque jamais ni ne visitent.


Sous l'égide de quelques grands amoureux des vins du Piémont (François Mauss, du Grand Jury Européen, Bernard Burtschy, journaliste émérite, et quelques grands amateurs), des vignerons français (dont Madame Yvonne Hégoburu, merveilleuse vigneronne du domaine de Souch, à Jurançon, qui voulait découvrir les étincelles Barolo/truffe blanche...) ont partagé leurs vins avec ceux des grands Luciano Sandrone, Bruno Rocca ou Armando Parusso, figures majeures du Piémont.
Entre autres grands flacons enthousiasmants bus au cours du dîner, côté bourguignon :
Magnum de Clos de la Roche 1999 du domaine Ponsot, Magnum de Gevrey-Chambertin 1er cru Lavaux Saint-Jacques 1998 du domaine Denis Mortet, Chambolle-Musigny 1990 du domaine Roumier, Gevrey-Chambertin 1er cru Cazetiers 1937 du domaine Leroy.
Côté Piémont : Magnum de Barolo le Vigne 1999 de Sandrone, Barbaresco Rabaja 2000 de Bruno Rocca, Barolo Riserva deBorgogno 1990, Barolo Rocche dei Manzoni 1961.
Il faut encourager plus de Bourguignons à s'intéresser aux formidables vins piémontais. Echanger, s'enrichir mutuellement, voire affiner la compréhension de la diversité des expressions de sa propre région en se mesurant amicalement à son double transalpin....gageons qu'il ne s'agissait ce soir-là, à la Ciau del Tornavento à Treiso, que du début d'une longue série de rencontres passionnantes.

jeudi, septembre 20, 2007

Acceptons le prix du vin

J'ai évoqué le sujet dans un précédent post, et la tendance ne fait que s'amplifier.
Aujourd'hui, le constat est clair : de nombreux vins, des appellations entières, des bouteilles que bien des gens âgés d'une dizaine d'années de plus que vous s'offraient facilement sans avoir le sentiment de se déplumer, sont désormais condamnées à une inexorable augmentation de leurs prix de vente
dans les années à venir.
La raison est simple : l'intérêt mondial croissant pour les grands vins fait flamber les cours, et cet engouement sera durable, soutenu, et général.
La pénurie est bien réelle. Qu'on songe que le plus grand rouge de Bordeaux, Château Ausone, produit moins de 20 000 bouteilles par an pour le monde entier, ou le moindre Grand Cru bourguignon quelques milliers, et on sera saisi d'un vertige à l'imagination des dizaines,bientôt centaines de milliers de personnes fortunées (en Asie, aux Etats-Unis, bientôt en Russie, sans même parler de notre vieille Europe....) prêtes à se battre pour le moindre flacon....
En France, plusieurs signes ne trompent pas : depuis quelques années à Bordeaux, on glose sur l'augmentation des prix de sortie des vins en primeurs, arguant qu'il est encore possible de trouver les mêmes vins dans des millésimes anciens à des tarifs bien moins élevés. On oublie d'expliquer que se développe dans les mois qui suivent la campagne primeur un phénomène de rattrapage, qui voit ces millésimes anciens littéralement happé par les acheteurs du monde entier, qui anticipent avec raison une remise à niveau des cours basée sur les derniers prix en primeur.
Aujourd'hui, les stocks de tous les négociants bordelais sont vides, les prix des Premiers Grands Crus ont augmenté de 80% en 6 mois. Un exemple ? Margaux 2001, qu'on pouvait encore assez facilement trouver pour 200 € début 2007, est désormais intouchable à moins de 350 €, et les marchands réajustent les cours plusieurs fois par mois. En Bourgogne, à la suite de l'augmentation très significative des prix des grands 2005, dont la moindre goutte est archi-vendue et réservée, les plus sages producteurs, gênés mais réalistes, n'ont pas la moindre intention de baisser les prix de leurs 2006 ou 2007, qu'ils hésitent de plus en plus à proposer à leurs clients français, alors que tant d'acheteurs étrangers seraient prêts à leur en offrir le double !
Si les français souhaitent continuer à remplir leurs caves de très belles bouteilles, il faut accepter dans les prochaines années, à moins d'une très grave crise mondiale, de débourser des sommes qui auraient paru insensées il y a quelques années. Le riche acheteur de Shanghaï ou de Sao Paulo n'a aucun point de comparaison et ignore les cours d'il y a 5 ou 6 ans, et donc dépensera sans compter.
Attention, pas de catastrophisme : il n'y a jamais eu autant de très bons vins disponibles qu'aujourd'hui, et les alternatives aux grands Bourgognes et Bordeaux sont légions : les meilleurs vins du Rhône sont encore relativement disponibles, les grands rouges italiens du Piémont et de Toscane constituent des achats prioritaires aux tarifs encore raisonnables, les Cabernet franc de Loire s'apprêtent à revivre un âge d'or, les bons Languedoc seront de plus en plus recherchés, certains espagnols constituent d'excellents rapport qualité-prix-plaisir et des vins exotiques (Autriche, Afrique du Sud, Argentine) méritent d'être découverts. La plupart des blancs, à l'exception des Bourgogne, échappent encore à ce mouvement de hausse des prix.
Quant aux Champagnes, les prix vont aussi continuer à augmenter, pour répondre à la double pression du coût toujours plus élevé de l'approvisionnement en raisins, et de la demande mondiale de plus en plus soutenue. Le buveur français pas trop snob ni dépensier devra donc découvrir l'excellence de certains crémants et pétillants....
Heureusement pour certains, le prix de vin est plus que jamais déconnecté de sa valeur d'élaboration. Produire une bouteille de Mouton-Rothschild ne doit pas coûter plus de 15 à 20 € au domaine....Qu'on songe qu'un des vins les plus coûteux à produire, le Sauternes, voit ses prix stagner depuis des années, et que des merveilles comme les vins du Jura échappent l'attention de l'immense majorité....les amateurs curieux et capables de goûter sans trop s'attacher au prestige de l'étiquette ont encore de quoi régaler leurs papilles à moindres frais.

mercredi, juillet 04, 2007

Quand le Sud est déboussolé...

Ci-contre, de vieilles vignes sur les sols schisteux de l'appellation Saint-Chinian, dans l'Hérault.
En février dernier, situées sur leur beau coteau venté, dans un paysage préservé, elles resplendissaient sous le soleil d'un hiver exceptionnellement doux, et paraissaient immuables, rassurantes, essentielles.
J'espère qu'elles sont toujours debout à l'heure actuelle.
A Saint-Chinian comme ailleurs, dans le Languedoc, des vignes comme celles-ci sont régulièrement arrachées ces temps-ci. De petits vignerons préfèrent cette solution pour toucher les primes d'arrachage et sauver ce qui peut l'être de leurs exploitations endettées, incapables de commercialiser des vins que les coopératives locales ne savent elles-même plus rémunérer correctement.
La plantation de ces vieilles vignes en gobelet implique un labeur trop harassant, empêchant toute mécanisation, obligeant les rares obstinés au travail sur de vieux chenillards. Et lorsque ces vignes disparaissent, c'est pour laisser place, au mieux à des cultures agricoles très consommatrices d'eau, au pire à des résidences pavillonnaires qui s'installent en sommet de coteau, le vue est plus belle, pardi !
Vous croyez que je noircis le tableau ? Allez donc faire un tour dans ces coins de l'Aude, de l'Hérault et du Gard, où la pression de l'urbanisme conjugué à la crise d'une viticulture qui n'a pas sû se muer en industrie profitable génère des situations humaines tellement douloureuses....Lisez donc ces dépêches relatant l'agitation extrême de viticulteurs poussés à bout et excédés, dépassés par leur incompréhension des nouveaux codes du marché, et qui ne trouvent parfois plus que la violence comme exutoire....Savent-ils, ces viticulteurs en voie de disparition, que le consommateur mondial, ce buveur accro au marketing, les a déjà rayé de la carte ?
Bien sûr, certains domaines de ces régions sont aujourd'hui, à force de travail et de faire savoir, référencés sur le papier glacé des catalogues des cavistes de luxe et des livres des vins de quelques temples gastronomiques.
Mais quand on arrache de vieilles vignes souvent très qualitatives, souvent issues de cépages incompris comme le Carignan, c'est l'âme d'une région qu'on laisse peu à peu partir, même lorsqu'on replante les inévitables syrah, viognier ou merlot, ces cépages fossoyeurs de l'identité languedocienne et catalane.
Autant de raisons pour encourager les courageux qui préservent ce patrimoine en péril, en buvant leurs vins tellement porteurs de plaisirs, en mettant en cave ceux qui sauront vieillir avec harmonie, en redécouvrant la race des meilleurs vins de cette région en fait complètement méconnue de nombreux amateurs, qui n'ont vu passer ils y a quelques années qu'une fugitive mode du Languedoc chez les cavistes et bar à vins tendance...
Quelques noms ? Barral, Gauby, Olivier Jullien, Pierre Quinonero (dom. de la Garance), Maxime Magnon à Corbières, Cyril Fhal (Clos du Rouge Gorge), Izarn (Borie la Vitarèle), Jérôme Bertrand, Alain Chabanon, Pierre Clavel, et il y en aurait d'autres.....Ce sont eux qui portent haut les couleurs du vrai sud aujourd'hui, ce sont leurs vins que les consommateurs devraient rechercher, pour découvrir les vraies saveurs de ces merveilleux terroirs.